Raï au Sud : une main tendue, un appel au dialogue et un message de confiance dans l’avenir

De Tyr à Bint Jbeil, en passant par Khiam, Hasbaya, Nabatiyeh et Aïchiyé, le patriarche maronite Mgr Béchara Raï n’a laissé aucun coin du Sud sans le visiter dans une tournée qualifiée d’historique. À chacune de ses étapes

(et elles furent nombreuses tout au long du week-end), le patriarche maronite a été accueilli par les carillons des églises et les prières des muezzins dans un message d’harmonie et de coexistence hautement symbolique, alors qu’il a répété à tous ses interlocuteurs que la coexistence islamo-chrétienne est le legs du Liban au monde et la responsabilité des Libanais.

Samedi à Cana et Tyr, dimanche à Hasbaya, Khiam et Nabatiyeh, et aujourd’hui à Msaïleh, la tournée de trois jours du patriarche maronite au Sud a été riche en moments d’émotion, en symboles et en discours politiques. Accueilli dans toutes les localités traversées en héros par des foules avides de le voir, le patriarche Raï a été aussi très entouré par les évêques et curés de la région, mais aussi par les députés de Amal et du Hezbollah qui n’ont pas manqué une occasion de rendre hommage « à ses positions nationales ». De son côté, le patriarche n’a pas manqué de rappeler à chacune de ces étapes l’importance de préserver la présence chrétienne dans toutes les régions du pays, ainsi que la coexistence islamo-chrétienne qui constitue l’essence du Liban.

Tyr et Cana, l’émotion et le recueillement
Samedi matin, le patriarche et son escorte sont arrivés à Tyr où ils ont été accueillis par une foule en délire ainsi que par le ministre Mohammad Fneich, les députés Michel Moussa, Ali Khreiss et Abdel Magid Saleh, les dignitaires religieux et les notables de la région. Après une pause au Sérail de la ville, Mgr Raï s’est rendu à la cathédrale maronite Notre-Dame des mers dans le vieux port de Tyr. Mais le moment fort dans le caza de Tyr a été son escale à Cana sur les traces du Christ et sa pause devant les tombes des victimes des massacres en 1996 et en 2006. Ce fut l’occasion pour le patriarche maronite de rappeler que ces victimes sont les martyrs de tout le Liban. L’épouse du président de la Chambre Randa Berry l’a accompagné dans sa visite de la grotte de Cana où le Christ a transformé l’eau en vin, selon les Évangiles.
Le patriarche est ensuite retourné à Tyr où un déjeuner a été donné en son honneur au Rest House de la ville en présence des députés et notables, ainsi que du commandant en chef de la Finul, le général Assarta. Le ministre Mohammad Fneich a prononcé un discours de bienvenue au nom du Hezbollah, alors que le député Ali Khreiss a parlé au nom du mouvement Amal. Le discours de la fin a été réservé au patriarche qui a déclaré venir à Tyr avec un message d’amour et de communion, dans l’esprit du pacte national et avec le souci de préserver l’unité du Liban.
À Tyr, le patriarche ne pouvait ne pas évoquer l’imam Moussa Sadr. Il a d’ailleurs visité la Fondation qui lui est dédié avant de se rendre à Naqoura pour y rencontrer le commandement de la Finul.

Hasbaya, Nabatiyeh et Khiam
La journée de dimanche a été tout aussi remplie, le patriarche maronite ayant choisi de commencer sa tournée par la région de Hasbaya avant de se rendre à Blat, Marjeyoun et Khiam, puis à Nabatiyeh et ses environs, avant de conclure sa longue journée à Bint Jbeil, puis dans les villages chrétiens de ce caza, notamment à Debel, et pour terminer à Aïn Ebel.
À chacune de ses étapes, le patriarche maronite a appelé les Libanais de toutes les confessions « à tourner la page du passé et à surmonter les blessures pour s’orienter vers l’avenir, un avenir de communion, d’entente et d’unité ». À Hasbaya, il a été accueilli par les cheikhs druzes de Bayada, le ministre Waël Bou Faour, les députés de la région et l’émir Talal Arslane. Il s’est ensuite rendu à Marjeyoun en passant par Blat et par Kleya avec tout ce que représente ce village pour de nombreux chrétiens, avant de se rendre à Khiam à partir de laquelle il a salué « les résistants et les habitants qui sont restés sur place contre vents et marées ». Le patriarche s’est directement adressé aux habitants du Sud pour leur exprimer son émotion face à leur amour sincère, assurant que cet amour est une dette qu’il respectera et une responsabilité. Il a aussi déclaré que les chrétiens sont engagés avec les autres partenaires au sein de la nation à protéger le Liban et à le défendre. Le ministre Ali Hassan Khalil a, à son tour, prononcé un discours dans lequel il a rendu hommage aux positions du patriarche alors que le député Nawaf Moussawi a assuré à Mgr Raï que le Hezbollah reste sur ses constantes qui consistent à combattre la partition et la division, et à protéger l’unité nationale face aux menaces qui pèsent sur l’ensemble de la région.
Mgr Raï s’est ensuite rendu à Nabatiyeh, tout en s’arrêtant à plusieurs reprises en chemin devant l’insistance de la foule et en accordant une attention particulière aux villages chrétiens et mixtes, visitant les églises et bénissant la foule. Partout il était aussi accueilli par les députés de Amal et du Hezbollah, ainsi que par les dignitaires religieux chrétiens et musulmans, et par les chefs des municipalités. Le chef du bloc de la Résistance Mohammad Raad a aussi prononcé un discours dans lequel il a appelé les Libanais « à affronter ensemble l’ennemi qui continue de menacer le pays et ceux qui l’appuient à l’étranger ».

Bint Jbeil et le message d’espoir
Dialogue, entente, solidarité, présence chrétienne et retour de tous les déplacés dans leurs villages sont des thèmes qui sont revenus dans tous les discours du patriarche maronite, qui s’est aussi rendu à Bint Jbeil, qualifiée de bastion de la Résistance avant de terminer son parcours d’hier à Aïn Ebel où il a passé la nuit.
À Bint Jbeil où il est arrivé avec près de trois heures de retard, la foule noyée sous les drapeaux jaunes du Hezbollah l’attendait avec émotion. Entouré des députés Hassan Fadlallah, Ali Bazzé et Ayoub Hmayed, le patriarche maronite a serré des centaines de mains et embrassé des dizaines d’enfants, « gagnant, comme le lui a dit un évêque, en quelques secondes le cœur des gens ». « Patriarche de tout le Liban », « Imam des patriarches », les éloges se sont multipliés en hommage à ses dernières positions en France et au Liban, et surtout pour son initiative de se rendre dans cette région si longtemps oubliée et où les habitants, selon les différents orateurs, ont souffert, surmonté les agressions et les blessures, et sont résolus à rester sur place et à défendre leur terre. Le député Hassan Fadlallah a aussi déclaré au patriarche qu’au Sud la coexistence est préservée par les habitants parce qu’elle est « dans leurs gênes et dans leur sang. Elle n’est pas apprise dans les livres. Elle est tout simplement une partie intégrante de leurs vies, ainsi que la résistance contre l’ennemi israélien ». Le patriarche a répondu en rappelant qu’il est venu au Sud la main tendue « car la main tendue est la seule voie de salut ». Il a aussi rendu hommage à l’héroïque résistance dans la région et il a précisé que, depuis 1975 à nos jours, les Libanais affrontent les complots et réussissent à les vaincre, assurant qu’ils continueront à le faire. Mgr Raï a encore déclaré que ce qu’il est en train de voir au Sud le conforte dans son impression que le Libanais est aimant et aspire à l’entente. Il est ainsi de plus en plus confiant dans l’avenir. Il a évoqué les propos du pape Jean-Paul II en visite au Liban qui avait dit : Le Liban est un petit pays mais avec un message à dimension universelle.
Aujourd’hui, le patriarche entamera sa journée par une visite à Rmeich et dans les environs avant de se rendre à Msaïleh où le président de la Chambre donnera un déjeuner en son honneur.

L'orient le jour